Remarques sur les mots employés
Le langage dispose de nombreuses expressions pour signifier le ressenti d'une douleur thoracique. Quelques exemples :
- Quelqu'un qui dit avoir mal "à la poitrine" ou "dans la poitrine" veut en fait le plus souvent dire qu'en ce moment elle a une douleur dans la poitrine. En effet, le mot de "douleur" est moins immédiat que le mot "mal" et témoigne d'une réflexion plus distanciée face au fait d'avoir mal.
- Une douleur "dans" la poitrine signifie pour la personne qu'elle ressent la douleur à l'intérieur même de sa poitrine, cette douleur pouvant être une crampe, une brûlure, une sensation d'être pris dans un étau, etc.
- Une douleur "de" la poitrine est souvent plus vague, la douleur pouvant être superficielle.
- Une personne qui parle de "douleur thoracique" signifie généralement par là qu'elle a une certaine culture médicale ou qu'elle a déjà consulté un médecin pour de ce type de douleur qui parlera alors de "douleur thoracique".
- Quant à la personne qui parle de "précordialgies" (ce qui signifie littéralement "douleurs devant le coeur"), elle veut signifier par là qu'elle sait très bien de quoi elle parle, car ce sont les divers médecins qu'elle a consulté qui ont utilisé ce mot.
Tous ces mots veulent dire en fait à peu près la même chose, mais le fait que la personne décide d'employer tel ou tel mot contient un message que le médecin -et l'entourage- doit savoir décrypter.
La façon de désigner la douleur
- Lorsqu'une personne désigne sa douleur avec un doigt ou le bout de ses doigts, c'est plutôt rassurant.
- En revanche, lorsque qu'elle l'exprime en mettant sa main à plat sur la poitrine, voire avec ses deux mains ou ses deux poings serrés, il y a plus de risques que cette douleur ait un caractère de gravité
Raisonnement du médecin
- Il va d'abord interroger longuement la personne sur le type de douleur. Tout rentre en ligne de compte : la durée, le siège, les irradiations, le genre de douleur, ce à quoi elle ressemble le plus (piqûre, brûlure, serrement, etc.), l'horaire, le mode de survenue, les signes d'accompagnement.
- Il fait le bilan des facteurs de risque . Cela lui permet de déterminer une probabilité qui oriente plus vers un problème cardiaque ou vers un autre problème.
- L'examen est très important, en particulier la prise de tension, l'auscultation du coeur et des poumons.
- Enfin l'électrocardiogramme .
À la suite de cela, deux possibilités se présentent :
Le diagnostic est certain
- Si la cause est grave ou comporte des signes de gravité, un transport à l'hôpital, le plus souvent par ambulance de réanimation (Samu ou pompiers) sera nécessaire en direction d'un service de réanimation. C'est le cas de l'infarctus du myocarde , de la dissection aortique , et de l'embolie pulmonaire .
- Si la cause est de gravité moyenne, mais nécessite malgré tout une hospitalisation, celle-ci se fera le plus souvent par ambulance non médicalisée.
- Si la cause n'a pas de gravité immédiate, elle peut se résoudre par un traitement à domicile.
- Un point particulier : la certitude qu'un caillot se forme dans une artère coronaire . Dans ce cas, le risque est l'infarctus du myocarde. On dispose de très peu de temps pour détruire le caillot par thrombolyse. Dans ce cas, et si cela est possible, le médecin appellera le 15 de façon à ce qu'il envoie une équipe qui réalisera ce geste salvateur.
Le diagnostic n'est pas certain
C'est là que la tâche du médecin est la plus délicate.
- Si le médecin pense que la cause est potentiellement sérieuse, sans qu'il sache exactement avec certitude l'origine, une hospitalisation pour bilan sera nécessaire. Le transport se fait généralement en ambulance, parfois par les propres moyens de la personne.
- Si la cause probable n'a pas de risque immédiat, il faut faire des investigations par des examens complémentaires : radio des poumons , prise de sang , échographie .
- D'autres examens seront demandés dans un second temps en cas de négativité des examens précédents : transit oesogastroduodénal , fibroscopie , échodoppler , bilan hépatique .
- Enfin, et selon les résultats, le médecin recourra à des examens plus lourds comme une angiographie , une coronarographie , ou une scintigraphie pulmonaire et cardiaque .
Causes principales
Les problèmes cardiovasculaires
- Angine de poitrine . C'est d'une certaine façon l'avertissement sans frais : les lésions sont réversibles. La douleur alerte et doit aboutir à un traitement pour éviter l'infarctus du myocarde. L'angine de poitrine survient rarement avant l'âge de 45 ans.
- Infarctus du myocarde . Lorsqu'il survient, le muscle cardiaque est en souffrance et les lésions sont irréversibles. L'infarctus survient surtout à partir de l'âge de 50 ans, plus volontiers chez l'homme que chez la femme.
- Péricardite . Cette cause survient plutôt chez le sujet jeune, ou parfois dans les suites d'un infarctus. On appelle cela le syndrome de Dressler .
Les problèmes touchant les gros vaisseaux
- Embolie pulmonaire . Elle survient plutôt chez les personnes alitées non traitées aux anticoagulants , ainsi que chez les opérés récents.
- Mais l'autre cause assez fréquente est également la jeune femme qui prend la pilule et qui fume beaucoup.
- Dissection aortique . Surtout chez le sujet âgé.
Les problèmes pulmonaires
- Pneumopathie . C'est le chef de file des infections pulmonaires.
- Pneumonie . Touche tous les âges, avec une fréquence plus importante chez les personnes âgées.
- Pneumothorax . Il survient surtout chez certains sujets jeunes, chez les personnes atteintes de tuberculose , et chez les joueurs d'instruments à double hanche comme le hautbois, le cor anglais et le basson.
- Pleurésie . C'est un problème plus spécifique de la personne âgée. Elle est souvent révélatrice d'une insuffisance cardiaque ou d'un cancer du poumon .
- Bronchopneumopathie chronique obstructive . Elle n'entraîne que rarement des douleurs thoraciques, mais en raison de sa fréquence, le nombre des douleurs thoraciques qu'elle peut générer dans la population est relativement important.
- Trachéite . Dans ce cas, la douleur ne survient qu'au cours des efforts de toux.
Les problèmes digestifs
- Les douleurs sont alors dans le bas de la poitrine, proche de l'estomac ou encore sous les côtes à droite ou à gauche.
- Hernie hiatale .
- Colique hépatique .
Les problèmes divers
Ce sont en fait eux les plus fréquents, en particulier chez les personnes de moins de 45 ans. 90% des douleurs thoraciques à cet âge sont dues à ces causes bénignes.
Votre attitude
D'abord, bien repérer les signes d'alerte :
- Le type de la douleur : une douleur comme une sensation d'étau, de poids ou d'oppression douloureuse est évocatrice d'un problème cardiaque. On dit qu'elle est constrictive.
- Le siège de la douleur : d'un seul côté, surtout à gauche.
- Les irradiations : dos, mâchoire, bras et épaule gauche.
Ces seuls éléments, chez un homme de plus de 50 ans, ou chez une femme ménopausée suffisent pour appeler le centre 15.
Les signes d'accompagnement
- La gêne respiratoire témoigne d'un retentissement sur la respiration. C'est un signe d'alerte grave.
- Les sueurs froides et la pâleur montrent un état de choc de la personne.
- Cyanose, lèvres et ongles bleutés témoignent d'un retentissement important sur l'oxygénation du sang.
- Les malaises pouvant entraîner une perte de connaissance montrent que le cerveau est mal irrigué à la suite d'une vraisemblable chute de la pression artérielle.
Tous ces signes témoignent d'un problème cardiaque majeur et nécessitent la présence rapide d'un médecin, du Samu (le 15) ou des pompiers (le 18).
Le bon sens
- La difficulté est également de ne pas se laisser aller à la panique : une douleur dans la poitrine n'est que rarement un infarctus . Il y a bien entendu des facteurs de risque . Si l'on a plus de 65 ans, qu'on est issu d'une famille de cardiaques , qu'on est fumeur, avec du diabète, du cholestérol, de l'embonpoint et qu'on est sédentaire, on a des facteurs de risque évident qui rendent la probabilité d'infarctus très élevée. À l'inverse, si on est jeune, qu'on ne fume pas, sans antécédents, etc., le risque est quasiment nul.
- Une douleur thoracique n'est pas forcément synonyme d'infarctus. D'autres causes comme l'embolie pulmonaire ou le pneumothorax peuvent entraîner des douleurs thoraciques. Ces cause peuvent être très sérieuses. C'est au médecin de poser le diagnostic, et cela explique qu'il faille consulter le médecin au moindre doute.
- Ce que vous pouvez faire, c'est donner les médicaments appropriés que vous avez en votre possession, et cela seulement à bon escient et dans l'attente de la venue du médecin. Il est également important de vous poser les bonnes questions si vous avez en ce moment mal à la poitrine . Le bon geste, le bon réflexe, et surtout la bonne attitude peuvent sauver la vie. A l'inverse, la négligence d'un symptôme et surtout le retard à l'appel au 15 lorsque c'est nécessaire peuvent être lourds de conséquences.