Qu'est-ce que l'obésité abdominale et comment la mesurer ?
Il faut définir dans un premier temps l'obésité. Elle se définit de
manière classique par un excédent de graisse corporelle qui se mesure
habituellement grâce à l'IMC - l'Indice de Masse Corporelle (poids en
kilos exprimé en fonction de la taille en mètres élevé au carré). De
nombreuses études par le monde ont montré que pour une population
donnée, plus l'IMC est élevé, plus on observe des problèmes de santé,
d'hypertension, des problèmes de lipides, de diabète, de maladies
cardiovasculaires... Alors l'IMC donne une mesure adéquate pour évaluer
et suivre des populations de part le monde.
En revanche cette
mesure est perplexe ! Le problème avec l'IMC en clinique est que pour
deux personnes, un IMC similaire peut être celui d'une personne en
parfaite santé et celui d'une personne qui présente les anomalies
attendues du surpoids et de l'obésité. Il y a plus de 20 ans maintenant,
nous avons remarqué que le sous groupe de patients avec une
accumulation excessive de graisse à l'abdomen - que l'on peut mesurer
facilement par la mesure du tour de taille pour un IMC donné -
représentait justement le sous-groupe de patients en surpoids, obèses
plus à risques de développer du diabète, de l'hypertension, des maladies
cardiovasculaires, des problèmes de lipides. Ainsi, l'obésité
abdominale se définit par une accumulation excessive de graisse
abdominale pour un IMC donné au niveau de la taille qui peut se mesurer
par le tour du périmètre abdominal.
A quels facteurs dans notre style de vie peut-on attribuer l'obésité abdominale ?
Il y a beaucoup de travaux réalisés par notre équipe et d'autres équipes
à travers le monde sur cette question là. On observe qu'avec l'âge, du
fait de notre mode de vie sédentaire, on a une accumulation sélective de
graisse viscérale sans même prendre du
poids. Cette mauvaise graisse va
s'accumuler dans la cavité abdominale pour l'homme et la femme qui
avancent en âge. On peut se prémunir
contre cette accumulation sélective
de graisse abdominale !
Un mode de vie très actif avec une
activité physique rigoureuse d'endurance par jour pendant plusieurs
minutes (marche, rapide, course, vélo, natation... ) pendant 30/45
minutes voire une heure par jour, prévient contre ce problème. Par
ailleurs, une
alimentation riche en
sucres simples, particulièrement
dans notre mode d'hydratation avec la surconsommation de boissons
sucrées, favorise la prise de poids au niveau abdominal.
De
plus, plusieurs travaux ont également montré qu'un environnement
sédentaire associé à un mode de vie où l'on est souvent face à des
situations stressantes contribuent à la sécrétion de neurohormones (les
hormones du stress) - qui contribuent à l'accumulation sélective de
graisse abdominale.
Enfin, c'est une affaire de concentration
familiale ! Certaines concentrations familiales sont moins susceptibles à
la concentration de graisse abdominale dans la cavité abdominale que
l'on appelle l'obésité viscérale : elles vont produire de la "bonne
graisse", de la graisse sous cutanée quand d'autres seront plus
favorables. Encore une fois, nos
gènes vont déterminer notre
susceptibilité à l'environnement. Mais il est très important de
souligner que cela n'est pas une "condamnation" : même si on a de
"mauvais" gènes qui nous rendent plus susceptibles que d'autres à ces
risques. On peut se protéger contre l'accumulation de graisse abdominale
en faisant du sport, en ne mangeant pas trop sucré, en gérant son
stress, etc...
Hommes et femmes sont-ils touchés de la même façon par l'obésité abdominale ?
Les résultats sont très clairs à ce sujet : les hommes ont en moyenne
deux fois plus de graisse abdominale que les femmes. Les femmes durant
leur période fertile sont relativement protégées et puis seront plus
susceptibles à ce problème pendant la
ménopause où l'on observe chez la
femme une accélération dans l'accumulation de graisse viscérale au
niveau abdominal. Le risque cardiovasculaire des femmes vont rattraper
celui des hommes sur une période de 10 à 15 ans.
Quel est le risque pour la santé de l'obésité abdominale ?
Nous en avons déjà un peu parlé. Pour un IMC donné, les individus qui
vont montrer une accumulation excessive de graisse abdominale viscérale
sont plus à risque pour l'hypertension, les problèmes cardiovasculaires,
le diabète, les problèmes de lipides du sang, les problèmes d'apnée du
sommeil, d'accumulation de lipides dans le foie - comme la stéatose
hépatique qui peut conduire à l'insuffisance hépatique - mais aussi
certains cancers comme les cancers hormonaux dépendants : du sein, de la
prostate, du
colon...
Un excès de graisse sous la peau dans tout le corps constitue-t-il aussi un risque ?
Il y a pas mal de travaux qui commencent à voir le jour sur ce sujet.
Dans le cadre d'une grande étude épidémiologique qui s'appelle IAA
réalisée sur plus de 4500 patients mesurés par imagerie, nous avons
suggéré que la graisse sous cutanée n'augmentait pas le risque de
diabète, n'était pas associée aux maladies cardiovasculaires ni aux
dépôts de graisse ectopique, contrairement à la graisse viscérale et la
graisse au niveau abdominal.
Il y a trois semaines dans le cadre
d'une grande étude parue dans le journal de l'Association Médicale
Américaine, nos collègues de Dallas ont publié une étude sur le fait que
la graisse sous cutanée n'augmentait pas le risque de
diabète.
Est-ce qu'un excès de lipides dans certains autres organes est aussi dangereux ?
Les études d'imagerie actuelles qui nous permettent de mesurer
l'accumulation de lipides un peu partout dans l'organisme ont démontré
que chez les individus qui stockent de la graisse abdominale viscérale,
on observe une accumulation de lipides à des sites non souhaitables
comme le foie, le coeur, les reins et même le muscle squelettique. Ces
dépôts de lipides dans des tissus normalement maigres est appelé graisse
ectopique. Celle-ci est très préjudiciable à la santé et toxique pour
la
physiologie humaine, et va augmenter le risque encore une fois de
diabète, de maladies cardiovasculaires... Augmenter le risque
finalement d'anomalies que l'on avait associées avant à l'obésité
abdominale viscérale.
Quels sont les risques de pathologies associées à ces dépôts de graisse ectopiques (dans un endroit anormal) ?
Qu'est ce qui est le plus dangereux ? Pas mal de travaux sont en ce
moment réalisés pour départager ces contributions, les rôles respectifs
de ces différents dépôts ectopiques.
La graisse au niveau du foie est
particulièrement dangereuse, c'est évident, car le foie a un rôle
central dans le
métabolisme. Alors, une accumulation de graisse au
niveau du foie est très préjudiciable quant à une susceptibilité à
développer du diabète, des anomalies dans le transport des lipides
sanguins...
La graisse autour du
coeur - que l'on appelle la
graisse épi/péricardique - soulève elle aussi des questions :
va-t-elle jouer un rôle particulier dans le développement d'anomalies
comme l'insuffisance cardiaque, les troubles du rythme ? Les différents
groupes de recherche en sont là.
Il est admis que tous ces
dépôts de graisse sont corrélés entre eux et ils agissent fort
probablement en synergie. Chez les individus qui stockent de la graisse
abdominale viscérale, ils ont une forte probabilité d'avoir de la
graisse en excès au niveau du foie, du coeur, des reins... Mais ces
dépôts là ont aussi des contributions additionnelles indépendantes de la
pathologie qui nous intéresse.
Que conseillez-vous (mode de vie, régime, traitement… ) pour réduire ces dépôts de graisse dans l'abdomen, le foie et le cœur ?
Sur la base des travaux, des études d'intervention disponibles
actuellement et de la meilleure compréhension des facteurs associées à
l'accumulation de graisse viscérale, ma toute première recommandation
est un mode de vie actif. Mère Nature nous a conçus pour être actifs sur
le plan physique ! Il faut viser in fine une bonne heure d'activité
physique par jour !
Aussi, au niveau de l'alimentation, la
population était un peu perdue avec les produits "allégés" en sucres et
en lipides - notamment aux Etats-Unis où l'on a suggéré une diète "low
fat" alors que les produits étaient riches en sucres. Il faut plutôt
être très attentif aux boissons sucrées - faire attention à ce que l'on
boit ! C'est un véritable problème, je reviens de Chine où c'est
également le cas. Les boissons sucrées peuvent représenter un excédent
de plusieurs centaines de
calories inutiles par jour... Enfin, un
sommeil de qualité, la gestion du
stress peut prévenir ces risques.