Vision de l'enfant

Développement de la vision

Le système visuel n'est pas mature à la naissance. Au plan anatomique comme au plan fonctionnel, il existe une maturation des structures impliquées dans la vision, des yeux jusqu'au cerveau.L'œil d'un enfant mesure à la naissance environ 17 mm de longueur. L'œil n'atteint sa taille adulte de 22 à 23 mm que vers l'âge de 4 à 5 ans. La cornée passe de 10 mm de diamètre à 12 mm en 2 ans. Le cristallin grandit et modifie sa puissance. La fovéa, c'est-à-dire le centre de la rétine, mature jusqu'à l'âge de 4 ans, avec une augmentation de la concentration des cônes qui sont les cellules nerveuses réceptrices de la rétine.

De façon parallèle à cette croissance de l'œil, il existe une maturation des voies visuelles et des neurones du cerveau impliqués dans la vision : les neurones visuels du cortex occipital acquièrent des propriétés de sensibilité à la vitesse, à l'orientation. Les cellules binoculaires qui ne sont pas innées maturent et se différencient.

Du fait de la maturation visuelle après la naissance, un enfant ne voit qu'environ 1/20 à la naissance. On estime sa vision à 3/10 à 1 an, à 6/10 vers 4 ans, et au-delà de 6 ans elle atteint 12/10, la vision maximale étant de 20/10. Sa vision binoculaire (vision du relief) apparaît à 6 mois mais ne devient mature qu'à 10 ans. La vision des couleurs est normale à 4 ans, même si 5% des garçons ont une anomalie (minime) de la vision des couleurs, seuls moins de 1% des garçons étant réellement « daltoniens ».

Anomalies précoces

Une anomalie de l'expérience visuelle au cours de la période sensible du développement visuel qui se termine à la fin de la première décennie de la vie va entraîner une asymétrie du développement visuel qui peut être définitive. Il s'agit de l'amblyopie, qui est une moins bonne vision d'un œil, malgré les lunettes et en l'absence d'anomalie anatomique, du fait de connexions entre les yeux et le cerveau asymétriques au profit d'un œil et au détriment de l'autre. En effet, chacun des yeux reçoit une image qui est codée par la rétine et dont l'information est transmise au cerveau.

Dans les trois situations suivantes peut survenir une amblyopie :
• En cas d'anisométropie, c'est-à-dire un défaut réfractif différent entre chaque œil, une image va arriver sur la rétine d'un œil, alors que l'autre image peut être défocalisée en avant ou en arrière de la rétine.
• En cas de strabisme, les deux images n'arrivent pas au même endroit des rétines de chaque œil ; pour ne pas voir double, le cerveau « élimine » l'image en provenance d'un œil. C'est une pathologie fréquente de l'enfant au cours de laquelle les yeux ne sont pas alignés (l'enfant « louche », en dedans en cas de strabisme convergent, en dehors en cas de strabisme divergent).
• En cas de mauvais passage de l'image par une anomalie de transparence (exemple d'une cataracte congénitale), une des deux rétines ne reçoit pas d'image. D'autres anomalies dites "organiques" rares sont possibles, comme un glaucome, des maladies de la rétine, qu'il faut savoir prendre en charge au plus tôt...

Dépistage

La vision de l'enfant se développe après la naissance, du fait d'une maturation de l'œil et du cerveau. Le système visuel est fragile pendant les premières années de vie et la maturation normale est susceptible d'être perturbée par une expérience visuelle anormale. C'est pourquoi des examens systématiques précoces chez l'enfant sont nécessaires, afin en particulier de détecter un besoin précoce de lunettes, mais aussi un strabisme ou toute anomalie oculaire organique. Il faut conseiller un examen par un ophtalmologiste au fait des problématiques d'ophtalmologie pédiatrique vers l'âge de 1 an, 3 ans et avant l'entrée à l'école primaire.

La fréquence de l'amblyopie est de 2 à 3%. L'amblyopie est essentiellement due à la présence d'un strabisme ou d'une différence de réfraction entre les deux yeux (anisométropie), mais l'examen peut parfois retrouver des anomalies organiques de la cornée, du cristallin, de la rétine ou du nerf optique, qu'il faut savoir traiter de façon parallèle au traitement de l'amblyopie.

Chez l'enfant doivent être dépistés et diagnostiqués le plus tôt possible :
• une amétropie importante (défaut réfractif de l'œil tel qu'une image ne se focalise pas sur la rétine),
• une myopie (l'image se focalise en avant de la rétine),
• une hypermétropie (l'image se focalise en arrière de la rétine),
• un astigmatisme (l'image se focalise de façon déformée),
• une anisométropie (différence entre les deux yeux).

L'examen ophtalmologique peut diagnostiquer des maladies oculaires, comme le glaucome, la cataracte, des pathologies de la rétine parfois graves comme le rétinoblastome (tumeur maligne de la rétine). C'est pourquoi, dans le carnet de santé, les parents sont alertés des signes qui doivent faire consulter rapidement (et plus tôt que les examens conseillés à 1, 3 et 6 ans) :
• leucocorie, c'est-à-dire tâche blanche ou reflet anormal dans l'œil, qui peut faire évoquer une cataracte ou une anomalie rétinienne ;
• buphtalmie, c'est-à-dire œil de grande taille pouvant faire évoquer un glaucome ;
• nystagmus, c'est-à-dire mouvement anormal des yeux pouvant faire évoquer une malvoyance ou une anomalie neurologique…

Bien entendu également, indépendamment de ces signes possibles, un examen tôt au cours de la première année de vie, ou plus tard selon les pathologies, peut être requis en cas d'antécédent personnel particulier (prématurité, infection materno-fœtale…), en cas d'antécédent familial de strabisme ou de maladie oculaire.

Traitement

• Si un diagnostic d'amblyopie est porté, il faudra prescrire des lunettes, occlure le bon œil pour obliger l'œil « paresseux » à travailler, et bien sûr traiter une anomalie organique si elle existe (exemple : opération de la cataracte). L'amblyopie est réversible si elle est traitée tôt, au cours d'une période de temps après la naissance appelée période sensible du développement visuel :
- la plasticité cérébrale négative pendant cette période est telle que les connexions nerveuses deviennent anormales ;
- la plasticité cérébrale positive au cours de cette période est telle que des connexions neuronales anormales peuvent redevenir normales. Mais au-delà d'un certain âge, il est trop tard et les connexions neuronales anormales sont définitives. C'est pourquoi le dépistage et le traitement précoces des anomalies oculaires de l'enfant sont fondamentaux.

• Le strabisme peut nécessiter une intervention chirurgicale et le traitement du strabisme, outre son intérêt « esthétique » à rétablir la rectitude des yeux, a surtout un intérêt fonctionnel afin de rétablir une fonction binoculaire normale.

• On peut tolérer une minime hypermétropie s'il n'existe pas de strabisme ou d'anomalie oculaire ou de fatigue visuelle, l'hypermétropie étant alors dite « physiologique ». En effet, la focalisation de l'image en arrière de la rétine, du fait de la relative plus petite taille de l'œil d'un enfant, peut encore être compensée. Mais la règle est que dans la majorité des cas, la correction est nécessaire.