Point de départ
Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l'Ordre des médecins d'avril 2000
Dr André Chassort
Qualité et déontologie sur Internet
Les opportunités de communications offertes par le développement de nouveaux supports et notamment du réseau Internet n'enlève rien aux obligations et responsabilités juridiques et déontologiques des médecins qui y recourent. Les règles inscrites dans le Code de déontologie médicale s'appliquent dans toute leur rigueur car il s'agit bien de protéger le patient et d'agir dans son plus grand intérêt.
Limites de l'exercice médical en ligne
Code de déontologie médicale, article 25
Il est interdit aux médecins de dispenser des consultations, prescriptions ou avis médicaux dans des locaux commerciaux ou dans tout autre lieu où sont mis en vente des médicaments, produits ou appareils qu'ils prescrivent ou qu'ils utilisent.
Code de déontologie médicale, article 53
Les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières.
Ils ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués. L'avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire.
Un médecin doit répondre à toute demande d'information préalable et d'explications sur ses honoraires ou le coût d'un traitement. Il ne peut refuser un acquit des sommes perçues.
Aucun mode particulier de règlement ne peut être imposé aux malades.
L'Ordre est tout à fait conscient des formidables opportunités que représente le développement de l'Internet de santé en matière de prévention ou de suivi des patients. Il n'en reste pas moins que l'information ou le conseil en ligne ne doivent exonérer ni le médecin ni le patient d'une véritable consultation avec une anamnèse et un examen clinique qui doivent permettre d'aboutir à un diagnostic et à une prescription. Si la frontière est ténue entre le conseil ou l'avis personnalisé et le diagnostic, elle justifie cependant un contact direct entre le patient et le médecin, afin d'assurer une meilleure qualité des soins et une plus grande sécurité du patient. (1)
Crédibilité et qualification des intervenants
Code de déontologie médicale, article 30
Est interdite toute facilité accordée à quiconque se livre à l'exercice illégal de la médecine.
Code de déontologie médicale, article 75
Conformément à l'article L. 363 du code de la santé publique, il est interdit d'exercer la médecine sous un pseudonyme.
Un médecin qui se sert d'un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession est tenu d'en faire la déclaration au conseil départemental de l'Ordre.
Tout avis, service ou information de nature médicale doit uniquement être fourni par des professionnels qualifiés dans la spécialité médicale concernée. Les sources des données diffusées sur le site et leurs auteurs doivent être clairement identifiés et explicitement cités.
Crédibilité et qualité de l'information
Code de déontologie médicale, article 13
Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général.
Code de déontologie médicale, article 14
Les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s'imposent. Ils ne doivent pas faire une telle divulgation dans le public non médical.
Code de déontologie médicale, article 39
Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.
Toute pratique de charlatanisme est interdite.
La principale exigence déontologique tient donc à la qualité de l'information qui doit être :
scientifiquement exacte, excluant toute mention de pratiques insuffisamment ou non éprouvées voire charlatanesques ;
exhaustive, à tout le moins correspondre au minimum de connaissances reconnues comme constituant les données actuelles de la science ;
actualisée, la date de mise à jour étant au surplus indiquée ;
fiable, bien que ce critère dépende largement d'une notion subjective de confiance de celui qui interroge ; en tout état de cause, les sources doivent être citées ;
pertinente, c'c'est à dire qu'elle doit présenter un certain degré d'adéquation aux objectifs affichés du site ;
licite, elle doit respecter la réglementation en vigueur (exemple : protection des données nominatives, publicité des médicaments, droits d'auteurs…) ;
intelligible, la mise à disposition d'informations n'est pas suffisante : elles doivent être articulées (hyper liens) et présentées sous une forme cohérente par rapport à la démarche clinique ;
validée pour éviter les possibilités d'erreur logique (informations contradictoires ou incompatibles), structurelle (informations absentes ou redondantes), sémantique (emploi d'une terminologie ambiguë, imprécise ou non normalisée).
Confidentialité
Code de déontologie médicale, article 4
Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'c'est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.
Code de déontologie médicale, article 73
Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces documents.
Il en va de même des informations médicales dont il peut être le détenteur.
Le médecin doit faire en sorte, lorsqu'il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou d'enseignement, que l'identification des personnes ne soit pas possible. A défaut, leur accord doit être obtenu.
Le médecin reste responsable du secret médical dont il est le dépositaire. Le réseau Internet ne permettant pas d'assurer la totale confidentialité des transmissions, le médecin doit veiller à ce qu'aucune information médicale nominative ne circule lorsque des données relatives à des dossiers médicaux sont mises en ligne.
Par ailleurs, les informations individuelles qui peuvent être recueillies par les sites médicaux s'adressant directement aux patients sont des données extrêmement sensibles, relatives à l'intimité des personnes. Les internautes doivent être assurés que les informations les concernant resteront confidentielles, que l'accès à ces données sera sécurisé et que chaque individu pourra avoir accès à ses données s'il souhaite les modifier.
Indépendance
Code de déontologie médicale, article 5
Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.
Code de déontologie médicale, article 19
La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale.
Code de déontologie médicale, article 20
Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.
Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle.
Code de déontologie médicale, article 25
Il est interdit aux médecins de dispenser des consultations, prescriptions ou avis médicaux dans des locaux commerciaux ou dans tout autre lieu où sont mis en vente des médicaments, produits ou appareils qu'ils prescrivent ou qu'ils utilisent.
Code de la Santé Publique, article L. 462
Les médecins, les chirurgiens-dentistes en exercice, ainsi que les personnes qui demandent leur inscription au tableau de l'Ordre des médecins ou des chirurgiens-dentistes doivent communiquer au conseil départemental de l'Ordre dont ils relèvent les contrats et avenants ayant pour objet l'exercice de leur profession ainsi que, s'ils ne sont pas propriétaires de leur matériel et du local dans lequel ils exercent ou exerceront leur profession, les contrats ou avenants leur assurant l'usage de ce matériel et de ce local.(…)
Code de la Santé Publique, article L. 551-3
La publicité auprès du public pour un médicament n'est admise qu'à la condition que ce médicament ne soit pas soumis à prescription médicale, qu'il ne soit pas remboursable par les régimes obligatoires d'assurance maladie et que l'autorisation de mise sur le marché ou l'enregistrement ne comporte pas de restrictions en matière de publicité auprès du public en raison d'un risque possible pour la santé publique. Toutefois, les campagnes publicitaires pour des vaccins ou les médicaments visés à l'article L. 355-30 peuvent s'adresser au public. La publicité auprès du public pour un médicament est nécessairement accompagnée d'un message de prudence et de renvoi à la consultation d'un médecin en cas de persistance des symptômes.
L'indépendance du médecin producteur d'informations doit être respectée. Tout contrat liant le médecin dans son exercice professionnel doit être communiqué à l'Ordre.
Il est indispensable que l'utilisateur soit informé du contexte dans lequel est fournie l'information médicale. Tout apport promotionnel ou publicitaire doit être clairement identifié et présenté comme tel. Les promoteurs financiers des sites médicaux doivent être clairement identifiés et les éventuels conflits d'intérêts mis en évidence.
Tout site dont la vocation est de s'adresser uniquement aux professionnels de santé doit sécuriser l'accès à ses données et s'assurer de la qualité de ses visiteurs.
Responsabilité
Code de déontologie médicale, article 69
L'exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes.
Code de déontologie médicale, article 70
Tout médecin est, en principe, habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose.
La mise en oeuvre d'un serveur d'informations médicales engage la responsabilité de son promoteur, tant à raison des informations qu'il diffuse que de leur choix et de la présentation qui en est faite. Le nom du médecin promoteur doit donc apparaître clairement. Il doit s'accompagner de la mention de ses titres et qualifications ainsi que de ses travaux afin que l'Internaute soit bien informé du champ de compétences de son interlocuteur. En revanche, toute information personnelle, de caractère publicitaire ou extraprofessionnelle est à proscrire.
(1) - A cet égard, on se reportera avec profit au rapport de Bernard HOERNI, Appels téléphoniques de patients et déontologie médicale, adopté lors de la session de juillet 1998.